25.11.2019

Modifications au Code du Travail relatives aux services essentiels - qu’en est-il ?

Le 29 octobre dernier, l’Assemblée nationale sanctionnait la Loi modifiant le Code du travail concernant le maintien des services essentiels dans les services publics et dans les secteurs public et parapublic (ci-après « Loi »), laquelle modifie le Code du Travail (ci-après « C.t. ») à certains égards relativement aux services essentiels.
.
Cette loi s’inscrit notamment dans la foulée du jugement rendu par le juge administratif Pierre Flageole le 31 août 2017 dans l’affaire Syndicat des travailleuses et travailleurs du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal et CSN et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal[1].
.
Dans cette affaire, le syndicat remettait en doute l’encadrement du droit de grève prévu au C.t. ainsi que la constitutionnalité de l’article 111.10, lequel prévoyait un pourcentage fixe de salariés à maintenir lors d’une grève dans un établissement du secteur de la santé et des services sociaux.
.
Le juge Flageole a donc appliqué le test développé par la Cour Suprême dans l’arrêt Saskatchewan[2] et a finalement jugé que le législateur, en déterminant unilatéralement des pourcentages obligatoires, et ce, sans qu’aucun tribunal ou organisme indépendant ne puisse les évaluer, allait au-delà de ce qui était raisonnablement nécessaire afin d’assurer le maintien des services essentiels pendant une grève. Il a donc déclaré cet article inopérant, en raison de l’atteinte déraisonnable au droit de grève qu’il impliquait.
.
Ce jugement a justifié une réaction du législateur, ce qui a culminé vers les plus récentes modifications du C.t.
.
Essentiellement, ces modifications ont pour effet de transférer au Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT »), divers pouvoirs anciennement dévolus au gouvernement. Parmi ces pouvoirs, nous retrouvons :
.
- Ordonner le maintien des services essentiels dans les services publics ou à l’égard d’une entreprise dont la nature des opérations est assimilable à un service public, lorsqu’une grève pourrait avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique[3];
- Suspendre l’exercice du droit de grève s’il juge que les services essentiels prévus ou effectivement rendus sont insuffisants et mettent en danger la santé ou la sécurité publique[4];
- Approuver les ententes ou les listes de maintien des services essentiels, avec ou sans modification, ou faire des recommandations aux parties afin de rendre ces ententes ou listes conformes[5].
.
À cet effet, le TAT dispose maintenant d’un délai de sept (7) jours ouvrables francs afin de réviser une entente ou une liste de services essentiels préalablement approuvée, mais qui s’avère finalement insuffisante[6].
..
Cette Loi modifie également les pouvoirs de redressement du TAT en lui permettant notamment d’enquêter, s’il y a lieu.
.
En ce qui a trait au secteur de la santé et des services sociaux, cette loi a pour effet de remplacer les pourcentages anciennement prévus à l’article 111.10 du C.t. par l’obligation de négocier afin de maintenir des services essentiels dont l’interruption pourrait mettre en danger la santé ou la sécurité de la population. Cette négociation doit être guidée par les critères suivants, lesquels ont une portée davantage subjective que les pourcentages précédemment utilisés[7] :
 
- Les services essentiels devront être répartis par unité de soins et catégories de soins ou de services;
- Le fonctionnement normal des unités de soins intensifs et des unités d’urgence devra être assuré en tout temps;
- Le libre accès des usagers de l’établissement devra être assuré.
.
Ultimement, tel que le soulignait le Ministre Jean Boulet dans le cadre de l’adoption de cette loi, ces modifications au C.t. visent à assurer la protection de la santé et de la sécurité publique en cas de grève, tout en respectant le droit de grève des salariés ainsi qu’à améliorer le fonctionnement des régimes de services essentiels existants.
 
 
 

[1] 2017 QCTAT 4004.
[2] Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4.
[3] Loi modifiant le Code du travail concernant le maintien des services essentiels dans les services publics et dans les secteurs public et parapublic, art. 3.
[4] Id., art. 9.
[5] Id., art. 16.
[6] Id., art. 7.
[7] Id., art. 12.
Plan du site

Réalisé par