03.10.2019

Ha ! Ha ! Ha ! Quelle mauvaise blague !

Êtes-vous du style à jouer des tours à vos collègues de travail ? Si certaines blagues sont tolérées, d’autres le sont beaucoup moins. Un pompier l’a appris à ses dépens.
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En effet, il semblerait qu’enfoncer son doigt dans les fesses d’un collègue n’est pas en lice pour remporter un Olivier dans la catégorie « blague de l’année ». Bien au contraire, ce pompier s’est plutôt mérité un congédiement.
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Le 29 août dernier, l’arbitre Nathalie Massicotte rendait une décision[1] à l’effet qu’elle maintenait la décision de la Ville de Victoriaville de mettre fin à l’emploi de l’un de ses pompiers à la suite d’une blague plus que déplacée.
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Elle n’a pas fait siens les arguments du syndicat à l’effet que l’incident s’est déroulé dans un contexte de travail particulier, lequel est régulièrement comparé à celui d’un vestiaire sportif.
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Rappelons les faits. Alors que les deux collègues montaient les escaliers à la caserne, l’un d’eux a senti un doigt entre ses fesses, à l’extérieur du pantalon, allant jusqu’à lui toucher l’anus[2].
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Lors de l’audience, le syndicat plaidait que tout geste ou commentaire à caractère sexuel n’est pas nécessairement constitutif de harcèlement sexuel. Il demandait de tenir compte de la culture du milieu de travail qu’est la caserne dans la qualification de la conduite du salarié[3].
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À cet égard, plusieurs témoins ont soutenu que des tapes sur les fesses ou les cuisses, des touchers aux parties génitales à l’extérieur des vêtements, des accolades et l’utilisation de mots doux tels « mon amour, ma poulette, etc. » entre les pompiers, étaient monnaie courante et se faisaient au vu et au su de tout le monde, y compris les membres de la direction de l’employeur[4].
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L’arbitre Massicotte est d’un tout autre avis : « […] Indéniablement, se faire mettre un doigt entre les fesses par un collègue de travail produit des effets indésirables qui ne s’oublient pas rapidement et peuvent à l’évidence, se perpétuer dans le temps. Faut-il ajouter que, considérant la vulgarité et le caractère inapproprié en soi du geste posé de même que les circonstances entourant l’incident, il n’est pas permis de croire à la blague ou à la camaraderie entre collègues, contrairement à la prétention du syndicat »[5].
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Elle a également ajouté que même si elle retient ce contexte de travail particulier, est-il nécessaire de le préciser, il ne peut servir de prétexte à poser des gestes qui sont inacceptables dans quelque milieu de travail que ce soit. Ce contexte de travail ne peut pas non plus faire en sorte que des gestes qui constituent objectivement du harcèlement sexuel n’en soient pas[6].
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L’arbitre est tranchante quant à sa décision de maintenir le congédiement de ce pompier qui était à l’emploi depuis plus de 13 ans pour la Ville et qui avait un dossier sans tache.
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Elle indique que la sanction imposée par l’employeur est appropriée dans les circonstances et notamment en raison du fait que le salarié a banalisé, et de façon encore plus marquée lors de l’audience que lors de sa rencontre avec l’employeur, la gravité de son geste et les conséquences que celui-ci a pu avoir sur son collègue de travail[7].
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Dans ses conclusions, l’arbitre Massicotte souligne qu’ « à l’évidence, ce dernier n’a pas compris que le geste qu’il a posé constituait du harcèlement sexuel et qu’il s’agit d’un comportement grave et inacceptable. Il est non seulement contraire à la politique de l’employeur, mais à la loi. C’est à bon droit que l’employeur a invoqué ce geste qui reçoit la désapprobation sociale et n’a pas sa place dans un milieu de travail »[8].
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À la lumière de cette décision, nous considérons que les employés devraient se garder une certaine gêne avant de faire des blagues douteuses. D’autres part, les employeurs ne doivent pas avoir peur de sévir lorsqu’il est question de harcèlement sexuel, et ce, peu importe le milieu de travail.
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Chose certaine, ce pompier doit rire jaune en repensant à cette blague qui lui a coûté son emploi.
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[1] Syndicat des pompiers de Victoriaville (CSN) et Ville de Victoriaville, 2019 CanLII 81662 (QC SAT)
[2] Paragraphe 6
[3] Paragraphe 69
[4] Paragraphe 70
[5] Paragraphe 68
[6] Paragraphe 72
[7] Paragraphe 88
[8] Paragraphe 102
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