26.06.2019

Des étudiants en otage

Au moment d’écrire ces lignes, plus de 13 700 travaux et examens d’étudiants de l’Université TÉLUQ sont en attente de correction en raison du conflit de travail qui a lieu depuis 6 mois. En effet, le Syndicat des tuteurs et tutrices de la Télé-Université – CSN (le « STTTU ») a annoncé une grève débutant le 28 janvier dernier et cette dernière perdure encore aujourd’hui malgré de nombreuses rencontres entre les parties.

Il n’en demeure pas moins que l’Employeur tente de minimiser les impacts pour ses clients dans le respect du Code du travail, en réduisant considérablement le nombre de cours offerts aux sessions hiver et été 2019, en procédant à des appels d’offres pour la correction des travaux et des examens, en prolongeant les sessions, etc.

Remettons les choses en perspective.

La TÉLUQ est une école supérieure composante de l’Université du Québec qui offre des programmes universitaires de formation à distance à près de 20 000 étudiants québécois et étrangers.

Le STTTU représente les employés qui ont pour fonction d’assurer l’encadrement des étudiants inscrits aux programmes de 1er cycle universitaire afin de les aider dans leur démarche d’apprentissage.

Il y a cinq ans, la TÉLUQ a débuté un virage organisationnel, lequel visait notamment à augmenter l’effectif étudiant par une offre de service améliorée. L’organisation désirait principalement revoir l’encadrement offert aux étudiants.

À la lecture d’une décision du TAT rendue par le juge administratif Christian Drolet[1], il semblerait qu’une modification aux tâches des professeurs de la TÉLUQ est à l’origine de la tension entre les tuteurs et l’Employeur. Au préalable, ces derniers assuraient l’enseignement, la recherche et les services à la collectivité. Depuis le renouvellement de leur convention collective le 10 mai 2017, ils doivent dorénavant assurer le suivi des apprentissages et la correction des travaux et examens, responsabilités qui étaient principalement réalisées par les différents tuteurs.

Après de nombreuses rencontres infructueuses avec l’Employeur, le STTTU a décidé de déposer une demande au Tribunal administratif du travail au printemps 2018 au motif que l’Université TÉLUQ avait négocié de mauvaise foi et entravé les activités du Syndicat en mettant en place son nouveau modèle d’encadrement et en signant la nouvelle convention collective avec le Syndicat des professeurs (SPPTU). Le Syndicat des tuteurs prétend que l’encadrement offert par les professeurs depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle convention collective a fait en sorte que plusieurs tuteurs se retrouvent avec peu ou aucune assignation de travail.

D’une part, le Syndicat désire à tout prix protéger les intérêts de ses membres alors que d’autre part, l’Employeur tient mordicus à sa réorganisation de l’encadrement offert aux étudiants.

À notre avis, la décision du TAT du 21 mai dernier marquera un point tournant dans ce conflit de travail. En effet, le juge Drolet a été clair à l’effet que « Rien dans la preuve ne permet de conclure TÉLUQ a manqué à son devoir de négocier avec diligence et bonne foi, ou encore qu’elle ait eu l’intention de le faire » [2].

Selon le Tribunal, la décision de réorganiser l’encadrement des étudiants n’est ni déraisonnable ni empreinte de mauvaise foi[3]. Par ailleurs, l’Employeur a fourni suffisamment d’informations au syndicat afin qu’il puisse négocier les conditions de travail de ses membres, et ce, contrairement à ce qu’il a laissé entendre[4].

Le juge Drolet a également reconnu que le nombre d’assignations des personnes tutrices dépend des décisions du corps professoral. En effet, considérant le fait que la principale tâche des tuteurs est de veiller à l’encadrement des étudiants et que cette dernière est tributaire des décisions prises par les professeurs, il était donc raisonnable que l’Employeur débute les négociations avec les professeurs[5].

À la lumière de ces affirmations, nous comprenons que le TAT n’a pas adhéré aux prétentions du Syndicat.

Maintenant, il reste à savoir si les victimes de ce conflit pourront reprendre leur parcours académique sans embûche d’ici les prochaines semaines.

 

[1] Syndicat des tuteurs et des tutrices de la Télé-Université — CSN et Télé-Université, 2019 QCTAT 2309 (CanLII)

[2] Id. paragraphe 157

[3] Id. paragraphe 137

[4] Id. paragraphe 86

[5] Id. paragraphe 107

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