20.01.2020

UN EMPLOYÉ ÉTRANGER SANS PERMIS VALIDE ET EN RÈGLE EST RECONNU COMME UN TRAVAILLEUR AU SENS DE LA LATMP

En cette ère où la pénurie de main d’œuvre est omniprésente, de nombreux employeurs trouvent main forte auprès de travailleurs étrangers. Toutefois, il serait prudent que ces derniers s’assurent que le permis de travail de leurs employés est valide. En effet, un employé qui travaille sans permis valide peut avoir de nombreuses conséquences.

Récemment, le Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT ») a rendu une décision bien intéressante[1]. En effet, un immigrant d’origine chilienne s’est vu reconnaitre le statut de travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et ce, malgré le fait que ce dernier n’avait pas de permis de travail à jour et en règle.

Les faits présentés au TAT révèlent que le travailleur avait obtenu un permis l’autorisant à travailler comme cuisinier chez l’employeur pour une période du 3 novembre 2016 au 2 juillet 2017 inclusivement[2].

Quelques mois après l’expiration de son permis de travail alors qu’il continuait d’occuper ses fonctions pour son employeur, le travailleur a déposé une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après « CNESST ») alléguant être atteint d’une maladie professionnelle, soit une tendinite de l’épaule droite, laquelle résulterait des répétitions de mouvements accomplis dans le cadre de son travail[3].

En premier lieu, la CNESST a rendu une décision favorable à l’endroit de l’admissibilité de la tendinite du travailleur. Quatre mois plus tard, elle revient sur sa décision invoquant le fait qu’au moment de l’accident de travail, ce dernier n’était pas un travailleur en règle et que par conséquent, sa réclamation était maintenant refusée[4].

Ainsi, la CNESST a décidé que l’employé n’est pas un travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en considérant que le permis de travail de ce dernier n’est pas à jour et en règle.

Il ressort de l’analyse du TAT que le plaignant n’a pas procédé au renouvellement de son permis de travail en juillet 2017, car il se fiait à son employeur pour la gestion de son dossier avec l’immigration. À cet égard, c’est l’employeur qui agissait à titre de mandataire auprès des autorités compétentes. Ainsi, le travailleur étranger n’était pas informé de l’état de son dossier[5].

Le paragraphe 37 de la décision du juge administratif Jean-François Martel initie l’assise de sa position face à ce dossier. En effet, il mentionne que « certes, la définition du terme travailleur donnée à l’article 2 de la Loi précité comporte certaines exclusions. Mais, aucune ne vise le cas d’un ressortissant étranger travaillant au Canada sans être détenteur d’un permis valide et en vigueur »[6].

Le Tribunal adopte la même approche qu’il a eu dans l’affaire N’ZI[7] en 2018 :

[23] À ce sujet, le Tribunal fait sien le courant jurisprudentiel voulant que les droits d’une personne de bonne foi qui exécute un travail pour un employeur au sens de la loi ou de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne soient pas subordonnés au statut que détient cette personne en vertu des règles de l’immigration.

Par conséquent, le TAT arrive à la conclusion qu’à la lumière des circonstances révélées par la preuve, le fait que l’employé d’origine chilienne n’ait pas été détenteur d’un permis de travail valide en vertu des lois et règlements applicables en matière d’immigration au moment où sa maladie s’est manifestée, soit le 6 novembre 2017, ne le prive pas du statut de travailleur au sens de la LATMP[8].

Ainsi, le TAT infirme la décision de la CNESST. Il appert qu’en raison du caractère social de la LATMP, on doit interpréter les protections de la loi de manière large et libérale, et ce, d’autant plus que le travailleur croyait fermement qu’il pouvait poursuivre son emploi au Canada jusqu’à ce que les autorités compétentes rendent une décision définitive.

En définitive, il est primordial pour un employeur de faire un suivi auprès de ses travailleurs étrangers au sein de son organisation, car ces derniers, même sans permis valable, peuvent être reconnus comme travailleurs au sens de la LATMP, et par conséquent, tirer profit des protections qui en découlent.


[1] Marillanca Gonzales et Sushi Shop Campus inc., 2019 QCTAT 4849 (CanLII)

[2] Id., paragraphe 2

[3] Id., paragraphe 3

[4] Id., paragraphe 6

[5] Id., paragraphe 35

[6] Id., paragraphe 37

[7] 2018 QCTAT 306

[8] Précité note 1, paragraphe 47

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