13.09.2019

LA SAQ FORCÉE DE RÉINTÉGRER UN ALCOOLIQUE

Le 30 juillet dernier, le Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT ») a rendu une décision percutante à l’égard de la Société des alcools du Québec (ci-après « SAQ») [1].
 
En effet, le juge Demers a ordonné la réintégration, de M. Chabot, un directeur d’une succursale souffrant d’alcoolisme, lequel avait volé des bouteilles d’alcool, enfreint différentes politiques de l’organisation ainsi que consommé de l’alcool sur les lieux du travail.
 
Ce directeur de succursale à l’emploi de la société d’État depuis une trentaine d’années avait un dossier disciplinaire sans reproche et sa performance était satisfaisante.
 
En mai 2017, la SAQ procède à l’installation de caméras afin de surveiller davantage le comportement de cet employé, et ce, à la suite d’une information transmise par un salarié de la succursale.
 
Le 14 juin 2017, l’Employeur procède à la suspension de son directeur pour fins d’enquête.
 
À cette date, ce dernier communique avec le programme d’aide aux employés pour la première fois et les informe de son problème de consommation d’alcool.
 
À peine deux semaines plus tard, il a été pris en charge par un thérapeute spécialisé en dépendance référé par le PAE. Il a également commencé à participer à des rencontres des Alcooliques Anonymes.
 
M. Chabot, lors de sa rencontre avec les enquêteurs, a avoué avoir contrevenu aux règles en consommant sur les lieux de travail et en omettant d’ajuster l’inventaire lorsqu’il prenait des produits sur les tablettes.
 
Malgré les aveux de celui-ci lors de l’enquête, la SAQ procède à son congédiement le 12 juillet 2017. Elle était d’avis que le congédiement était mérité puisque la consommation d’alcool de cet employé l’amenait à violer les politiques de l’organisation et a laissé s’installer un climat d’indifférence face aux politiques dans la succursale.
 
Le Tribunal est d’avis que la SAQ n’a jamais envisagé que le problème de consommation soit bien réel et qu’il soit à l’origine des fautes reprochées.
 
Or, comme l’a souligné le TAT, il est bien établi par la jurisprudence que l’alcoolisme est une maladie et représente un handicap au sens de la Charte des droits et libertés[2].
 
Le TAT n’y va pas de main morte quant aux reproches formulés à l’endroit de la SAQ.
 
À ce titre, le juge Demers souligne qu’« on se serait attendu à ce qu’une société publique spécialisée dans la mise en marché de produits alcoolisés ait une sensibilité particulière face aux problèmes de consommation d’alcool d’un de ses employés ».[3]
 
Le TAT est d’avis que la preuve démontre que la SAQ n’a jamais cherché à accommoder M. Chabot pour lui permettre de pallier les conséquences de son handicap, ne serait-ce qu’en lui permettant de prendre un congé pour faire la cure qu’il déclarait vouloir suivre[4].
 
À cet égard, le juge Demers rappelle qu’en l’absence de toute tentative d’accommodement, un congédiement est discriminatoire et doit être annulé[5].
 
Ainsi, cette décision rappelle l’importance pour un employeur de tenter d’accommoder un salarié avec un handicap avant de procéder à son congédiement, sans quoi, il doit s’attendre à recevoir une tape sur les doigts d’un tribunal.
 

[1] Chabot et Société des alcools du Québec, 2016 QCTAT 3431
[2] Paragraphe 20
[3] Paragraphe 39
[4] Paragraphe 42
[5] Paragraphe 43.
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